Bichonner les blessures de notre jardin secret
La passion de ses paysages intérieurs où dans les recoins les plus cachés naissent des jardins secrets ; ronces, épines, des broussailles inextricables, des amas confus qui s'entassent dans les sphères profondes de notre être, qui pèsent lourdement, qui font voir la vie à travers ses fils entremêlés. Un rien, l'événement le plus anodin, la phrase la plus insignifiante viennent bouleverser ce désordre ; finalement charrier au plus profond de soi ces monticules qui nous écrasent de l'intérieur et nous contraignent à vivre à fleur de peau, des amoncellements qui s'élèvent si haut jusqu'à peser, ô trop souvent, sur l'âme.
Ces blessures qui s'amoncellent et que
l'on méprise, que l'on ignore tandis qu'elles vivent de leur vie
propre, brassent des émotions profondes, envahissent pareilles Ã
des mauvaises herbes notre champ intrinsèque, mènent le bal et
zèbrent notre inconscient , traçant de larges stries pour former
des sillons toujours plus profonds où la terre se transforme en
sables mouvants où tout devient stérile, où tout se noie dans le
magma confus de cet enchevêtrement difforme.
Parfois, on aurait envie de devenir
jardinier, prendre comme outil toute son énergie, toute sa meilleure
volonté et se pencher sur ces carrés laissés à l'abandon.
Observer ce fouillis, ces grandes traces laissées par la vie, et se
mettre à bêcher, retourner la terre de son existence, bouleverser
ces monceaux accumulés tout en sachant qu'on ne peut rien brûler,
ni rien jeter. Il va falloir faire avec tout ça, ce qui est vécu
reste, s'ancre indéfiniment. Alors, il faut arroser de patience,
d'amour, d'auto-compassion. Drageonner ce que l'on a scindé pour
créer des caïeux prometteurs, drainer avec notre courage une terre
laissée trop longtemps à l'abandon.
J'en conviens, c'est épuisant, parfois
on aimerait renoncer, l'effort à fournir semble insurmontable. Des
périodes de découragement certaines, avoir envie de jeter l'éponge,
avec un soupir désespéré : à quoi ça sert ? C'est trop dur.
Mais l'espoir nous aide à reprendre courage et se remettre à la
tâche.
Et ces blessures travaillées à la
sueur de notre front, un jour, de la façon la plus inattendue, se
mettent enfin à fleurir. Des fleurs aux couleurs magnifiques, des
paysages chamarrés, des campanules joyeuses qui semblent courir dans
le champ de notre vie. Et de s'interroger, quelles sont ces plantes
magnifiques ? Ce sont mes blessures qui ont fleuri, c'est le jardin
de ma vie dans lequel je flâne à apprécier chaque jour le résultat
de mon ouvrage. Cette grosse blessure-là est devenue chêne solide,
les petites là -bas, des prêles qui abondent, je les désigne comme
autant de merveilles qui emplissent dorénavant mon univers. Mais
cette blessure qui est là dans un coin, encore si nouvelle. Parfois
on hésite, il faut encore un peu de temps pour la transformer dans
le jardin de notre vie, on ne sait pas précisément en quelle fleur
magnifique elle se transformera, il est trop tôt. Confions-la au
temps qui lui, aussi est un grand jardinier.
Nous portons tous en nous, ce jardin
secret susceptible de devenir extraordinaire et où nos souffrances
sont comme des semences qui transformeront les blessures de notre
moi profond en parterre " jonché de fleurs splendides ":
"En automne, je récoltai toutes
mes peines et les enterrai dans mon jardin. Lorsque avril refleurit
et que la terre et le printemps célébrèrent leurs noces, mon
jardin fut jonché de fleurs splendides et exceptionnelles."
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