Bichonner les blessures de notre jardin secret

octobre 05, 2019 Samtosha Yoga 0 Commentaires



La passion de ses paysages intérieurs où dans les recoins les plus cachés naissent des jardins secrets ; ronces, épines, des broussailles inextricables, des amas confus qui s'entassent dans les sphères profondes de notre être, qui pèsent lourdement, qui font voir la vie à travers ses fils entremêlés. Un rien, l'événement le plus anodin, la phrase la plus insignifiante viennent bouleverser ce désordre ; finalement charrier au plus profond de soi ces monticules qui nous écrasent de l'intérieur et nous contraignent à vivre à fleur de peau, des amoncellements qui s'élèvent si haut jusqu'à peser, ô trop souvent, sur l'âme.

Ces blessures qui s'amoncellent et que l'on méprise, que l'on ignore tandis qu'elles vivent de leur vie propre, brassent des émotions profondes, envahissent pareilles à des mauvaises herbes notre champ intrinsèque, mènent le bal et zèbrent notre inconscient , traçant de larges stries pour former des sillons toujours plus profonds où la terre se transforme en sables mouvants où tout devient stérile, où tout se noie dans le magma confus de cet enchevêtrement difforme.

Parfois, on aurait envie de devenir jardinier, prendre comme outil toute son énergie, toute sa meilleure volonté et se pencher sur ces carrés laissés à l'abandon. Observer ce fouillis, ces grandes traces laissées par la vie, et se mettre à bêcher, retourner la terre de son existence, bouleverser ces monceaux accumulés tout en sachant qu'on ne peut rien brûler, ni rien jeter. Il va falloir faire avec tout ça, ce qui est vécu reste, s'ancre indéfiniment. Alors, il faut arroser de patience, d'amour, d'auto-compassion. Drageonner ce que l'on a scindé pour créer des caïeux prometteurs, drainer avec notre courage une terre laissée trop longtemps à l'abandon.

J'en conviens, c'est épuisant, parfois on aimerait renoncer, l'effort à fournir semble insurmontable. Des périodes de découragement certaines, avoir envie de jeter l'éponge, avec un soupir désespéré : à quoi ça sert ? C'est trop dur. Mais l'espoir nous aide à reprendre courage et se remettre à la tâche.

Et ces blessures travaillées à la sueur de notre front, un jour, de la façon la plus inattendue, se mettent enfin à fleurir. Des fleurs aux couleurs magnifiques, des paysages chamarrés, des campanules joyeuses qui semblent courir dans le champ de notre vie. Et de s'interroger, quelles sont ces plantes magnifiques ? Ce sont mes blessures qui ont fleuri, c'est le jardin de ma vie dans lequel je flâne à apprécier chaque jour le résultat de mon ouvrage. Cette grosse blessure-là est devenue chêne solide, les petites là-bas, des prêles qui abondent, je les désigne comme autant de merveilles qui emplissent dorénavant mon univers. Mais cette blessure qui est là dans un coin, encore si nouvelle. Parfois on hésite, il faut encore un peu de temps pour la transformer dans le jardin de notre vie, on ne sait pas précisément en quelle fleur magnifique elle se transformera, il est trop tôt. Confions-la au temps qui lui, aussi est un grand jardinier.

Nous portons tous en nous, ce jardin secret susceptible de devenir extraordinaire et où nos souffrances sont comme des semences qui transformeront les blessures de notre moi profond en parterre " jonché de fleurs splendides ":

"En automne, je récoltai toutes mes peines et les enterrai dans mon jardin. Lorsque avril refleurit et que la terre et le printemps célébrèrent leurs noces, mon jardin fut jonché de fleurs splendides et exceptionnelles."
De Khalil Gibran





0 commentaires: